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Beaujolais Pierres Dorées : le collectif en route vers une reconnaissance de ses vins

Paysage du Beaujolais Pierres dorées

Les “Pierres Dorées”, vous connaissez ? A la fois zone géographique reconnaissable par la couleur chatoyante des pierres de ses villages, et secteur de l’AOC Beaujolais, les Pierres Dorées sont un vrai joyaux français ! Aussi fiers de leur patrimoine que de leurs terroirs, les vignerons des Pierres Dorées se battent pour obtenir une reconnaissance pour leurs vins. Leur souhait ? Valoriser comme il se doit cette belle facette du Beaujolais, qui ravit tout ceux qui la découvrent. Zoom sur cette zone si particulière et sur la démarche du collectif « Beaujolais Pierres Dorées ». 

Vignes et village de Bully, Beaujolais Pierres Dorées, Etienne Ramousse
Mur de pierres dorées dans le Beaujolais, Etienne Ramousse

Pierres Dorées : un terroir propice à la viticulture

Où sont-elles, ces Pierres Dorées ?

Dans le sud du Beaujolais, à une quarantaine de kilomètres au nord de Lyon, se trouve une zone singulière appelée « Pierres Dorées ». Pommiers, Theizé, Lachassagne, Val d’Oingt, Jarnioux… ces villages qui la composent ont en commun la beauté incontestable de leurs maisons et clochers en pierres dorées. Cette zone du Beaujolais a de quoi charmer avec ses collines couvertes de vignes, sa lumière si particulière et ses villages perchés. Les Pierres Dorées ont, au fil des siècles, alterné entre polyculture et viticulture, ce qui permet de comprendre la variété de paysages qui composent ce secteur aujourd’hui. Imaginez un tableau avec des parcelles de vignes, des bâtisses ocres ci et là, des champs de blé et des prés avec des vaches et des moutons en pâturage. Un petit coin de paradis !

Cultivées depuis la période gallo-romaine, les vignes y sont omniprésentes et font partie intégrante du patrimoine des Pierres Dorées. Aujourd’hui ce sont d’ores et déjà plus de 500 hectares valorisés en « Beaujolais Pierres Dorées ». Ce secteur regroupe 43 communes en appellation Beaujolais.

Une histoire géologique complexe

Bien qu’il s’étende seulement sur une cinquantaine de kilomètres du sud au nord, le Beaujolais jouit d’une richesse géologique rare. On parle même de “mosaïque” pour désigner la multitude de sols qui le compose. En effet, on dénombre pas moins de 300 types de sols dans le Beaujolais. En 2018, l’UNESCO a d’ailleurs reconnu cette particularité, en le labellisant « Géoparc Mondial UNESCO ».

La zone des Pierres Dorées est particulièrement représentative de cette richesse des sols du Beaujolais. Les mouvements tectoniques, l’influence des volcans mais aussi celle des océans ont façonné ce secteur. C’est cette histoire qui fait de la géologie des Pierres Dorées l’une des plus riches et complexes de France. 

-> En savoir plus sur les sols du Beaujolais.

Pierres dorées : des roches calcaires sédimentaires
La « pierre dorée » : une roche calcaire sédimentaire emblématique de la zone des Pierres Dorées © Vins du Beaujolais, Jonas Jacquel
Les Pierres Dorées s’étendent du village de Rivolet à la Saône et du village de L’Arbresle à celui de Saint-Julien © Cabinet d’études pédologiques Sigales 2017

“Les études montrent que tous les profils de sols du Beaujolais sont présents dans les Pierres Dorées.”

Sylvain Flache, Président de la cave Vignerons des Pierres Dorées

L’aire géographique des Pierres Dorées compte à la fois du calcaire, des oxydes de fer, des argiles et des roches volcaniques. Les plus anciennes roches du Beaujolais, le granite et le gneiss, y sont également présentes. A l’est, une grande moitié des Pierres Dorées est occupée par des roches sédimentaires de l’ère secondaire. En effet, dans cette zone, les roches calcaires s’intercalent avec des marnes et des grès. Au cours de l’histoire, cette présence massive de calcaires et de marnes a contribué à implanter une importante activité de taillage de pierre dans les Pierres Dorées. C’est donc à cette grande partie de sols de Pierres Dorées que l’on doit le nom de ce terroir méridional de l’appellation Beaujolais.

BEAUJOLAIS DES PIERRES DORÉES, QUEL EST TON PROFIL ?

Bien que notre esprit associe “dorées” à blanc, la zone des Pierres Dorées est loin de ne produire que des vins blancs. Ces derniers ont très bonne réputation mais ce sont les vins rouges qui y sont largement majoritaires. En 2023, on recensait 19 638 hL de vins rouges (gamay) et 3 739 hL de vins blancs (chardonnay) revendiqués.

Des vins rouges complexes et concentrés

Les Beaujolais Pierres Dorées rouges dépendent de l’appellation Beaujolais. Le gamay est le cépage historique de cette zone, où l’on a toujours produit plus de vins rouges que de blancs. Ils sont fruités, structurés et révèlent des arômes de fruits noirs et des notes d’épices notamment. Leur robe est rubis, tandis que la bouche est souple, ronde et offre une belle longueur. 

Les Beaujolais Pierres Dorées bénéficient d’un élevage plus long que les Beaujolais classiques, qui s’effectue soit en cuve soit en fût. Ce sont des vins de garde que l’on peut boire dans les 3 à 5 ans qui suivent leur production, voire plus selon le millésime. Par exemple, d’après le vigneron Cyril Sapin (Domaine Sapin), des bouteilles de 2020 ou 2022 (années solaires) peuvent être débouchées jusqu’en 2028 et 2030 !

Blanc et rouge du Beaujolais

Des vins blancs remarqués

Les vignerons du Beaujolais sont particulièrement fiers de leurs Beaujolais blancs, qui ont bonne presse. Certaines collines des Pierres Dorées sont idéales pour produire du vin blanc. En effet, les Pierres Dorées regorgent de sols argilo-calcaires, particulièrement propices à la culture du chardonnay et à la naissance de grands vins de terroirs. De plus, ils gagnent en complexité d’année en année grâce au vieillissement des vignes de chardonnay, plantées plus récemment que celles de gamay. 

Marine Descombe, négociante et vigneronne en Beaujolais, © Famille Descombe, Dominique Fusina
Marine Descombe © Famille Descombe, Dominik Fusina

“Nous avons planté du chardonnay sur une parcelle familiale à Liergues, située sur une belle veine calcaire de plus de 200 millions d’années. Le résultat dans le verre est époustouflant ! Cela donne un vin blanc sur la fraîcheur, la minéralité et avec une belle tension.”

Marine Descombe, vigneronne au Château de Pougelon (Saint-Etienne-des-Oullières)

Les Beaujolais Pierres Dorées blancs sont des vins ronds, équilibrés et complexes. Ils ont une belle robe dorée, à l’image de leur terroir d’origine. Ils révèlent bien souvent des arômes de fleurs et de fruits blancs. Leur passage en fût peut rendre certains d’entre eux légèrement beurrés et boisés. La bouche est fraîche, ronde et possède une belle longueur.

L’élevage des vins blancs, bien souvent étendu dans le temps, leur donne un beau potentiel de garde. Grâce à cet élevage, les Beaujolais Pierres Dorées blancs se dégustent entre 1 et 6 ans après leur production.

> En savoir plus sur les blancs du Beaujolais

Paysage de vignes et cadole en Beaujolais Pierres Dorées
Cadole en pierres dorées dans les vignes du Beaujolais © Vins du Beaujolais, Etienne Ramousse

UNE FUTURE DÉNOMINATION GÉOGRAPHIQUE COMPLÉMENTAIRE POUR LES VINS DES PIERRES DORÉES ?

Un collectif défend la singularité des vins des Pierres Dorées

Depuis plusieurs décennies maintenant, la mention valorisante “Pierres Dorées” fleurit sur les étiquettes des bouteilles dans le sud du Beaujolais. Ainsi, en 2023, on la recensait sur plus de 200 bouteilles, presque deux fois plus qu’en 2016. Cette indication permet à la fois aux consommateurs de localiser les vins et aux vignerons de distinguer leurs cuvées de terroirs. Bien que revendiqués “Pierres Dorées”, ces vins ne sont aujourd’hui ni reconnus officiellement ni protégés géographiquement. En effet, rien ne garantit pour le moment leur provenance et leur méthode d’élaboration.

“Je revendique la mention “Pierres Dorées” depuis 2018 sur les étiquettes de mes bouteilles. Ce nom me parle, il fait écho au patrimoine, à l’architecture de nos maisons…”

Cyril Sapin, vigneron au Domaine Sapin (Val d’Oingt)

Cyril Sapin
Cyril Sapin © Le Progrès, Marie-Noëlle Toinon

Depuis une quinzaine d’années, un collectif de vignerons cherche à obtenir une “Dénomination Géographique Complémentaire” (DGC) pour les Pierres Dorées. L’objectif ? Faire reconnaître l’identité propre à leurs vins, produits au sein de l’appellation Beaujolais. Baptisé “Beaujolais Pierres Dorées”, ce collectif rêve de faire un trait d’union entre les hommes, les vignes et le patrimoine de ce secteur. Il rassemble aussi bien des vignerons indépendants que des maisons de vins, de plus gros domaines et des caves coopératives.

Qu’est-ce qu’une Dénomination Géographique Complémentaire ?

Dans le milieu du vin, il est possible d’indiquer une mention valorisante comme une dénomination géographique complémentaire à l’appellation (par exemple ajouter “Pierres Dorées” à l’appellation Beaujolais). Cela permet d’une part d’aider le consommateur à localiser plus finement la production du vin et d’autre part de valoriser la singularité d’un produit. Après l’étude du dossier et une enquête de terrain, l’INAO peut décider de délivrer une Dénomination Géographique Complémentaire (DGC). Celle-ci permet “d’identifier des vins dont l’identité est liée à un territoire plus restreint que celui de l’AOC”.

En savoir plus
Cadole en Beaujolais Pierres Dorées, Etienne Ramousse
Cadole en Beaujolais Pierres Dorées © Vins du Beaujolais, Etienne Ramousse
Etiquette de bouteille de Beaujolais Pierres Dorées, Studio Baalt
Etiquette de bouteille de Beaujolais Pierres Dorées © Vins du Beaujolais, Studio Baalt

Créer une identité commune

Obtenir une DGC est une démarche de longue haleine. En effet, elle implique le dépôt d’un dossier justifiant par exemple de l’antériorité de la dénomination, de l’implication des vignerons et du caractère exceptionnel des vins. Afin de formaliser leur demande de DGC, les membres du collectif « Beaujolais Pierres Dorées » se sont répartis en groupes de travail. Trois commissions ont été créées : cahier des charges, dégustation et communication. Groupes WhatsApp, réunions, dégustations… les vignerons ont grâce à cette organisation formalisé une vision commune. En 2017, ils ont déposé leur dossier auprès de l’INAO, qui est désormais dans la phase d’étude et d’échanges. Aujourd’hui, le collectif possède une identité graphique mais aussi une base de cahier des charges propre aux vins des Pierres Dorées.

Le logo du collectif Beaujolais Pierres Dorées illustre la diversité des parcelles, les couleurs du vin (rouge et blanc). Son camaïeu de couleurs rappelle les teintes distinctives des maisons des Pierres Dorées. En son centre trône un verre de vin. Ce logo vient d’ores et déjà asseoir la démarche et l’identité propres au collectif.

“Le collectif “Beaujolais Pierres Dorées” réunit tous types de profils, animés par une volonté d’avancer ensemble et de mettre en avant la qualité.”

Sylvain Flache, Président de la cave coopérative Vignerons des Pierres Dorées

Sylvain Flache, Président de la cave coopérative Vignerons des Pierres Dorées
Sylvain Flache, Vignerons des Pierres Dorées © Compagnie de Burgondie

Une Dénomination Géographique Complémentaire dans les Pierres Dorées, ca implique quoi ?

Le dossier déposé à l’INAO énonce plusieurs points distinctifs pour les vins qui bénéficieraient de la DGC Beaujolais Pierres Dorées :

  • Une aire géographique réduite : la Dénomination Géographique Complémentaire “Beaujolais Pierres Dorées” couvrirait seulement une partie des Pierres Dorées.
  • Deux couleurs : les Beaujolais Pierres Dorées ne pourront être que des vins rouges (gamay), ou des vins blancs (chardonnay).
  • Un élevage allongé : les Beaujolais Pierres Dorées offrent un beau potentiel de garde mais peuvent être consommés dès l’année qui suit l’élevage. Leur cahier des charges indique un élevage long allant jusqu’au 30 mars de l’année qui suit la récolte. Cela équivaut à 3 mois de plus que les vins de l’appellation Beaujolais.
  • Un engagement environnemental : sur le plan cultural, la DGC “Pierres Dorées” requiert une certification environnementale (Agriculture Biologique ou certifications équivalentes à HVE 2)
Le collectif Beaujolais Pierres Dorées en route vers une reconnaissance
Le collectif Beaujolais Pierres Dorées en route vers une reconnaissance © Vins du Beaujolais, Etienne Ramousse

Où en est le collectif “Beaujolais Pierres Dorées” ?

Suite à son dépôt en 2017 et à plusieurs allers-retours, le dossier « Beaujolais Pierres Dorées » est aujourd’hui à l’étude. En effet, une commission d’enquête de l’INAO est en cours et permettra de répondre favorablement ou non à la demande de DGC. Pour autant, le collectif n’a pas attendu l’obtention de la DGC pour se faire connaître. Il a ainsi créé des outils de communication (logo et site internet notamment) et multiplie sa présence sur des événements, comme le Sirha par exemple, pour développer sa notoriété.

L’engouement pour les vins des Pierres Dorées monte, notamment auprès des professionnels du vin. Une sélection, baptisée “Excellence Pierres Dorées” est organisé chaque année dans le Beaujolais depuis 1998. Restaurateurs, cavistes, œnologues, sommeliers mais aussi vignerons eux-mêmes se prêtent à l’exercice de la dégustation d’une sélection de Beaujolais Pierres Dorées. Si les vainqueurs remportent un diplôme et un macaron “Excellence Pierres Dorées”, l’objet de cet événement est avant tout de fédérer. Il permet d’une part de mettre la lumière sur ces vins et d’autre part de rendre compte de leur évolution. En 2024, les jurys déclaraient être « heureux de voir que cette appellation devient chaque année de meilleure qualité” (Le Progrès).

Paysage de vignes près de Charnay en Beaujolais Pierres Dorées © Vins du Beaujolais, Etienne Ramousse
Beaujolais Pierres Dorées, vins rouges et blancs © Vins du Beaujolais, Etienne Ramousse

Vous l’aurez compris, les Pierres Dorées espèrent une reconnaissance associant des vignes millénaires, un bâti iconique et des vins bien ancrés dans leurs terroirs. Cette volonté de graver dans le marbre une identité propre aux Pierres Dorées a mobilisé ses vignerons depuis plusieurs années. Si la demande de DGC peut encore prendre plusieurs années, son issue reste inconnue. Une chose est sûre, l’élan collectif a d’ores et déjà permis de donner de l’éclat à cette facette du Beaujolais !

Paysage de Pierres Dorées en Beaujolais
Paysage de Pierres Dorées en Beaujolais © Vins du Beaujolais, Etienne Ramousse
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Recherche en Beaujolais : vers la viticulture de demain

En Beaujolais, la fibre pour la recherche viticole ne date pas d’hier. Insufflée par l’ingénieur et homme d’affaire Victor Vermorel à la fin du XIXème siècle, elle œuvre aujourd’hui encore pour l’amélioration de la qualité des vins mais aussi des pratiques agronomiques. Pleine de challenges, la viticulture de demain s’invente dès aujourd’hui grâce aux travaux des chercheurs du Beaujolais. Présentation des métiers et des projets d’étude en cours dans le vignoble.

Le Beaujolais, territoire historiquement à la pointe de la recherche sur la vigne et le vin

Victor Vermorel, chercheur et entrepreneur visionnaire du Beaujolais
Victor Vermorel – Archives Senat.fr

D’où vient la fibre beaujolaise pour la recherche viticole ?

Si la recherche sur la viticulture en Beaujolais avait un visage, ce serait celui de Victor Vermorel. Enfant des bords de Saône, le chercheur a fait avancer la connaissance sur la viticulture tout au long de sa vie. Visionnaire, celui qui prônait « le progrès par l’expérience » a fait du Beaujolais un haut lieu de la recherche vitivinicole.

Victor Vermorel a marqué les vignerons de la fin du XIXème siècle grâce à ses multiples inventions. Il est notamment, avec Pierre Viala, l’auteur de l’ouvrage historique « L’Ampélographie. Traité général de viticulture ». Paru en 1900, celui-ci documente et illustre les 5 200 cépages répertoriés dans le monde et est encore aujourd’hui une référence.

Ampélographie, ouvrage de P. Viala et V. Vermorel, 1900
L’Ampélographie. Traité général de viticulture, Victor Vermorel et Pierre Viala, 1900
Petit Gamay, extrait de l'ouvrage Ampélographie, VIALA-VERMOREL 1900
Illustration du cépage gamay, L’Ampélographie. Traité général de viticulture, Victor Vermorel et Pierre Viala, 1900
Chardonnay, extrait de l'ouvrage Ampélographie, VIALA-VERMOREL 1900
Illustration du cépage chardonnay, L’Ampélographie. Traité général de viticulture, Victor Vermorel et Pierre Viala, 1900

Entre 1888 et 1897, Victor Vermorel a imaginé les lieux de recherche sur la vigne et le vin que nous connaissons aujourd’hui en Beaujolais. Il a créé la toute première station viticole au 210 boulevard Vermorel à Villefranche-sur-Saône. Cette adresse, où travaillent toujours les chercheurs, était initialement composée de laboratoires, d’une impressionnante bibliothèque mais aussi d’une mini-cuverie… L’entrepreneur a également fait du Château de l’Eclair, à Liergues, un domaine viticole expérimental. A l’époque, ces lieux suscitent la curiosité et des chercheurs du monde entier viennent les visiter. 

Des structures de recherche interconnectées en Beaujolais

Vous l’aurez compris, l’héritage de Victor Vermorel a donné sa forme actuelle à la recherche en Beaujolais. Son originalité ? Plusieurs organisations interconnectées qui travaillent main dans la main. Inter Beaujolais (organisation chargée du développement de la filière viticole) compte la recherche et l’expérimentation parmi ses missions. Celles-ci sont assurées par la SICAREX Beaujolais (Société d’Intérêt Collectif Agricole de Recherches et d’EXpérimentations) notamment grâce à un domaine viticole expérimental de 20 hectares. Le centre de recherche travaille en étroite collaboration avec le Pôle Bourgogne Beaujolais Jura Savoie de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV). Implanté en 18 unités dans les régions viticoles françaises, ce dernier compte une équipe de 9 chercheurs dans le Beaujolais. Ces trois organisations sont toutes situées à la même adresse, surnommée le « 210 en Beaujolais » à Villefranche-sur-Saône.

La SICAREX Beaujolais et l’IFV réalisent nombre de leurs expérimentations sur la vigne et le vin au Château de l’Eclair. Le domaine, autrefois investi par Victor Vermorel, est aujourd’hui surnommé le « laboratoire à ciel ouvert du Beaujolais ». Bien que basées dans le Rhône, les équipes de la SICAREX Beaujolais et de l’IFV travaillent sur des projets à l’échelle locale, nationale et internationale. Les travaux de recherche ne se cantonnent pas aux enjeux régionaux. Ils concernent bien souvent le vignoble français dans son ensemble. 

Vendanges de parcelles expérimentales à la SICAREX Beaujolais © Studio Baalt 2021
Le Château de l’Eclair et son cuvage, domaine expérimental de la SICAREX Beaujolais © Château de l’Eclair

Sur le terrain, la chambre d’agriculture du Rhône se charge de transmettre aux vignerons, domaines et caves du Beaujolais les résultats de la recherche. Cela passe notamment par la formation, l’organisation de rencontres techniques ou encore l’animation de groupes de vignerons (Vigneron·ne·s du Vivant en Beaujolais  par exemple).

Bouteilles consignées, exemple d’un sujet de recherche transverse 

En Beaujolais, la recherche implique bien souvent à la fois la SICAREX Beaujolais, l’IFV, lnter Beaujolais et le Château de l’Eclair. C’est le cas par exemple pour une expérimentation sur le réemploi des bouteilles entamée en 2023.

Le saviez-vous ? Les calculs de l’IFV ont démontré que le conditionnement représente 40 % à 50 % de l’empreinte carbone globale de la filière. Pour réduire cet impact majeur il faut soit opter pour des bouteilles plus légères soit adopter un système de consigne.

Afin de fournir des données et un retour d’expérience, des recherches sont menées en Beaujolais à tous les niveaux. Le Pôle sensoriel de la SICAREX Beaujolais étudie l’image de la consigne auprès des acteurs de la filière. En parallèle, Inter Beaujolais établit un observatoire de la qualité des vins et du poids des bouteilles. Et enfin, le Château de l’Eclair commercialise une cuvée test de Beaujolais Nouveaux consignés. Les premiers retours d’expérience sont disponibles dans un livre blanc édité en fin d’année.

Mise en bouteille en Beaujolais © F.Ferrer 2020

La recherche en Beaujolais aujourd’hui : projets et innovations

Empreinte carbone, adaptation au réchauffement climatique, cépages résistants, attentes des consommateurs… les grands axes de recherche en Beaujolais

L’enjeu du siècle pour la viticulture va être de s’adapter à la nouvelle donne dictée par le réchauffement climatique. Ainsi, les travaux de recherche en Beaujolais visent avant tout à orienter les acteurs de la filière dans ce contexte. Cela peut être par la mesure d’empreinte carbone, des expérimentations agronomiques, l’exploration du matériel végétal ou encore l’étude des goûts des consommateurs…

 « Notre métier est de répondre aux questions que se posent les professionnels. Elles sont le reflet des attentes sociétales et des besoins du secteur ».

Bertrand Chatelet, Directeur de la SICAREX Beaujolais et du pôle Beaujolais-Bourgogne-Jura-Savoie de l’IFV, © Jonas Jacquel, 2023

Mesurer l’empreinte carbone de la viticulture

Basé en Beaujolais, le Pôle Évaluation Environnementale de l’IFV étudie l’impact de la filière avec pour objectif de trouver des moyens de l’atténuer. Ce pôle s’applique à mesurer l’empreinte carbone des exploitations viticoles et met en perspective les données liées à chaque étape du cycle de vie du vin. Il réalise une veille constante et étudie de près les différentes pratiques pour orienter les professionnels cherchant à réduire l’empreinte carbone de leur entreprise.

Adapter les pratiques viticoles face au réchauffement climatique

L’adaptation au changement climatique est aussi un sujet de recherche pour le Pôle technique de l’IFV Beaujolais-Savoie. Des expérimentations agronomiques sont menées, dans le but de maintenir un rendement et une qualité de vin malgré le changement climatique. Le rôle de ces recherches est de proposer des solutions progressives et notamment des leviers d’actions à court terme (filets d’ombrage, modification du feuillage…) tout en gardant un oeil sur les solutions à plus long terme (cépages résistants notamment).

Présentation de résultats d’expérimentations lors de l’annuelle « Parcelle ouverte » de la SICAREX-IFV au Château de l’Eclair © Inter Beaujolais 2022
Essais de vinification de cépages résistants par la SICAREX-IFV au Château de l’Eclair © Studio Baalt 2021

Préserver le cépage emblématique du Beaujolais

Les chercheurs de la SICAREX Beaujolais remplissent encore aujourd’hui l’une de ses missions historiques : la sélection et la préservation de la diversité génétique du gamay. Ils entretiennent un impressionnant conservatoire composé de plus de 1 000 gamay différents (originaires d’Italie, de Suisse, du Sud-Ouest…). Ce travail de préservation du végétal va encore plus loin avec le projet “Qanopee”. Porté par les vignobles du Beaujolais, de la Champagne et de la Bourgogne, il cherche à pré-multiplier des pieds de vignes sains dans une serre bioclimatique de 4 500m2. L’objectif ? Sécuriser le patrimoine végétal des vignobles.

Grappe de gamay en Beaujolais
Grappe de gamay © E.Ramousse

> Lire aussi : « La viticulture de demain d’après les chercheurs du Beaujolais »

Créer des variétés capables de répondre aux enjeux du siècle

Plans de gamay - SICAREX Beaujolais - Jonas Jacquel
Jeunes plans de vigne – SICAREX Beaujolais © Jonas Jacquel

La création variétale est un “fil rouge” pour la SICAREX Beaujolais d’après son directeur, Bertrand Chatelet. Dès les années 70, le centre de recherche rejoint un programme inédit de l’INRAE et devient une référence en la matière. Travail au long court, la sélection variétale s’appuie notamment sur l’observation et la comparaison des 180 variétés de raisins plantées sur une parcelle du Château de l’Eclair. La SICAREX Beaujolais a notamment créé le gaminot, croisement entre le gamay et le pinot noir. Aujourd’hui, les équipes concentrent leurs recherches sur des variétés à la fois tolérantes aux maladies cryptogamiques et à la sécheresse. Certains cépages résistants créés sont d’ores et déjà plantés en Beaujolais. Le gamaret ou le voltis pour ne citer qu’eux, pourraient d’ailleurs rentrer dans le cahier des charges des appellations.

Identifier les attentes des consommateurs de demain

Afin de produire des connaissances pour la science et l’ensemble de la filière, un pôle d’analyse sensorielle a vu le jour en 2023. Son équipe d’ingénieurs mène des projets de recherche qui intéressent bien au-delà du vignoble beaujolais et même français. Ils mettent au cœur de la recherche le jugement sensoriel des consommateurs notamment via des groupes focus et des dégustations. Débuté en 2020, l’un des projets phares du pôle concerne la perception des vins sans sulfites ajoutés. Les conclusions de cette étude, menée auprès d’un panel de consommateurs et de professionnels, sortiront fin 2024.

Zoom sur GES&Vit, le premier outil de calcul d’empreinte carbone viticole, né en Beaujolais

Ges&Vit logo

Le Pôle Évaluation environnementale a mis les bouchées doubles pour répondre au besoin pressant de mesure de l’empreinte carbone des acteurs de la viticulture. Il a été le premier à proposer dès 2021 le premier outil capable de le faire. Baptisé GES&Vit, celui-ci a pour ambition d’appuyer la filière vin dans sa transition bas carbone.

Ges&Vit, l’outil de calcul d’empreinte carbone made in Beaujolais © Vidéo IFV & MarnieProduction

GES&Vit permet de poser un diagnostic sur les pratiques en place mais aussi de simuler différents modes de conduite de la vigne. Enfin, il donne les moyens d’agir grâce à un plan d’action visant à réduire l’empreinte carbone d’une exploitation viticole. Accessible sous réserve que l’on ait suivi une formation de prise en main, l’outil s’adresse à des conseillers et techniciens viticoles. De nombreux professionnels en France l’ont d’ores et déjà adopté.


Si Victor Vermorel a créé un terreau fertile pour la recherche viticole en Beaujolais, sa filière vin a su se structurer pour lui faire porter des fruits. C’est main dans la main que les équipes d’Inter Beaujolais, de la SICAREX Beaujolais, de l’IFV et de la Chambre d’agriculture du Rhône la font perdurer avec passion. Ancrés dans leur époque, leurs travaux de recherche sont des mines d’informations pour construire le vignoble de demain.

Curieux de connaître la vision de ces experts de la viticulture ? Rendez-vous prochainement sur l’article « La viticulture de demain d’après les chercheurs du Beaujolais »